« Impuissance » et « lassitude » sont les mots que j’entends le plus en ce moment, symptôme probable d’une société coupée de sa source de vitalité.
Les causes énoncées sont variées et la morosité ambiante pourrait justifier, comme une fatalité, l’origine de nos maux et de nos sentiments.
Oui c’est vrai…. le Covid, les relations masquées et distantes, les inquiétudes économiques, les projets incertains ou en berne, les stop and go permanents et autres épreuves personnelles sont autant d’évènements sur lesquels nous n’avons aucune prise et auquel nous devons nous adapter. De quoi nous maintenir dans une posture de victime.
Bien sûr, comme pour tout être vivant, notre vitalité est conditionnée par la richesse de notre interdépendance avec notre milieu.
Tout ce qui est mal connecté meurt plus vite, tout ce qui n’est pas alimenté par des sources qui le régénèrent, dégénère.
A quoi sommes-nous donc connectés et dépendants pour souffrir ainsi des circonstances extérieures ?
En reflet systémique, les coachs que je supervise me remontent leur propre impuissance et lassitude. En plus du Covid, c’est maintenant le temps de la contagion de l’impuissance.
Pour accompagner les personnes qui vivent cet état je suggère 4 questions :
1. Est-ce que vous vous donnez le temps d’élaborer votre pensée ?
Il s’agit là de se poser.
La complexité de certaines situations n’invite pas à une recherche de solutions simplistes mais à des conjonctions, des renoncements, des positionnements, des prises de risque.
Un de nos pouvoirs est de créer ces espaces de retrouvailles intérieures où on va élaborer des stratégies et aller à la rencontre d’espaces créatifs et de désirs.
2. Avez-vous vérifié quel est votre véritable pouvoir d’agir dans votre contexte ?
Dans la plupart des situations que j’accompagne, les personnes ont plus de marges de manœuvre qu’il n’y parait.
Dans d’autres cas, l’impuissance est liée au fait que les personnes s’entêtent à vouloir changer quelque chose ou quelqu’un qu’ils imaginent que c’est le seul moyen de satisfaire leurs besoins.
« De quoi vous sentez vous impuissant ? » « Sur quoi cherchez-vous à avoir du pouvoir ? »
Dans les deux cas, les personnes sont au bout de leurs tentatives de solutions et vivent la frustration ou l’abattement. Les deux amènent la lassitude par baisse de vitalité.
Heureusement, tout en nous n’est pas impuissant : c’est seulement une part de nous.
Il s’agit le plus souvent d’une part, réminiscence d’une vulnérabilité qui se soumet à un pouvoir extérieur vu comme impossible à combattre ou réminiscence d’une part de nous qui refuse la frustration et le non-contrôle (impuissance et toute puissance ne sont jamais très éloignées l’une de l’autre).
Notre rôle est de reconnecter la personne à son besoin véritable et à la multitude des moyens pouvant le satisfaire.
Je pense à ce dirigeant de filiale dont l’entreprise a décidé d’arrêter la production de l’usine qu’il dirige, après avoir transféré les productions rentables sur d’autres sites.
Il avait accepté le choix de son organisation et devait cependant faire travailler les salariés de la production pendant encore un an.
Il se sentait « coincé » : s’il annonçait la nouvelle, il y avait risque de grève et la production s’arrêterait et si il ne disait rien les salariés se sentiraient trahis et manipulés à juste titre. Impuissant à satisfaire ses
besoins de respect de l’humain et de performance, le dirigeant fit un pas de côté.
En prenant le temps d’explorer une à une ses marges de manœuvre, il a pu décider d’orienter son action sur le déploiement d’un nouveau métier tel un aventurier explorateur, tout en accompagnant ceux dont le métier
cessera dans un an.
Cela lui a permis de s’envisager non plus comme un « manipulateur égoïste » mais un « explorateur prêt à se laisser surprendre ».
3. Pouvons-nous rendre compte sans être dans une logique de culpabilisation ?
Dans les situations qui nous laissent impuissants, il y a souvent une grande confusion entre les différentes responsabilités et cela peut nous amener à aller au-delà de ce que nous sommes prêts à assumer.
Il est important alors de prendre une responsabilité qui correspond à ce que nous pouvons assumer, et dont nous pourrons rendre compte sans nous sentir coupable.
Prenons à nouveau l’exemple de ce dirigeant de filiale dont l’activité est vidée de ses activités les plus rentables : Il a su regarder objectivement, ce qui, dans l’annonce de la nouvelle de l’arrêt de la production lui appartient, ce qui appartient à l’autre (les réactions de certains salariés), ce qui appartient au système.
4. Sommes-nous en capacité d’évaluer individuellement ou collectivement nos décisions ?
Derrière le sentiment d’impuissance, il y a souvent eu déjà plusieurs tentatives d’actions qui n’ont pas abouties.
La relecture des décisions prises, de la façon dont nous nous positionnons face aux évènements, est fondamentalement nécessaire pour savoir si nous pouvons en évaluer les impacts ou pas. Cela permet d’avoir parfois d’heureuses surprises et parfois de simplement voir que nous n’agissons pas au bon endroit et donc de cesser de s’agiter pour rien.
Conclusion :
Fondamentalement cette question d’accompagner l’impuissance, nous invite à accompagner les personnes vers la prise de conscience de leur façon de se situer face aux évènements de la vie ou à leurs relations.
L’enjeu est de faire du contexte, une crise salvatrice, en considérant qu’elle nous force à reprendre, avec une ampleur et une ambition inédite, notre puissance intérieure.
Nous pourrions méditer longtemps sur le fait qu’aujourd’hui, nous cherchons à nous réorienter vers des énergies renouvelables sur le plan matériel (pour alimenter nos machines) au moment même où nous en aurions autant besoin sur le plan intérieur.
Notre 1ere force sera de ne pas nous laisser impressionner par l’état de déchirure du monde ; de ne pas nous laisser démotiver non plus par l’impuissance des médias à nous montrer autre chose que la gravité de cette déchirure. Cela nous maintient en posture de « victime ».
C’est le moment d’avoir la foi, que notre sentiment de puissance ne dépend pas du contrôle et de l’impact que nous avons sur notre environnement mais sur nous-même.