Une place rien qu’à soi?

24 Mar 2023

Article écrit par Flavienne Sapaly
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Coach Accréditée EIA Praticien senior et ESIA superviseur

Organisme de Formation Humanart certifié Qualiopi

La rue gronde, l’avenir est trouble, la vie est chère, « travailler » est besogneux pour beaucoup : Existe-t-il une place pour chacun de nous dans ce monde aux soubresauts fallacieux ?

Qu’est- ce que ce rêve d’une place à soi ? celui d’un réel rassurant avec des places établies ou une quête aventureuse ? On voit bien que 2 schémas s’opposent.

Georges PEREC[1] écrit « J’aimerais qu’il existe des lieux stables, immobiles intangibles, intouchés et presque intouchables, immuables, enracinés : des lieux qui seraient des références, des points de départ, des sources : (…) . De tels lieux n’existent pas, et c’est parce qu’ils n’existent pas que l’espace devient une question, cesse d’être une évidence, cesse d’être incorporé, cesse d’être approprié. L’espace est un doute (…). Il ne m’est jamais donné, il faut que j’en fasse la conquête ».

Oui, faire la conquête de sa place est le fruit de tout un parcours : une partition musicale qui pour être jouée au plus juste nécessite d’écouter régulièrement la note du diapason auquel nos instruments doivent s’accorder.

Je ne conteste pas le fondement des colères à la conquête d’une retraite à 60 ans ou d’autres sécurités, mais se pourrait-il que cette énergie nous dévie de l’accomplissement du grand rendez-vous avec nous même ?

Le rêve d’une place qui nous correspondrait et nous exprimerait tout à la fois, traduit plusieurs inquiétudes : l’errance nous fragilise, la finitude nous terrorise, l’indécision de notre être nous paralyse.

Mais le rêve d’une place unique qui contribue au monde, traduit aussi un désir universel d’infini, que certains appellent le bonheur : l’intuition que notre vie a un sens particulier pour chacun de nous.

Se fixer à la place de la « fatalité »

Lorsque nous sommes rivés à certaines places, par le hasard de la naissance, les contraintes de l’Histoire, par mauvais coups de dé ou choix révolus, elles deviennent une charge ou une prison. Progressivement notre voix (et voie) s’assourdit au fil des années.

Il faudrait partir, aller voir ailleurs. On le sait. Mais peurs et doutes nous assaillent. On fait comme si tout allait bien, ou on se fige, ou on se plaint, ou on peste et on espère qu’à la retraite enfin, on pourra vivre.

Quelles autres options s’offrent à nous?

Faire une place en soi

Chacun de nous se tient dans une partie de son être connue et bordée depuis longtemps : prendre le temps de trouver les places intérieures inexplorées, l’espace du dedans que je n’occupe pas, nécessite des lieux de transition, des lieux de passage où nous nous défaisons d’un peu de nous mèmes, où nous nous libérons de la fatigue ou de l’habitude d’être soi. Faire une place en soi, demande d’apprendre à s’aimer, se respecter, faire des expériences sans intention ni obligation de résultat. Et pour cela, il faudra parfois se délester d’acquis extérieurs ou de places obtenus à la force du poignet.

Suivre les voies détournées.

Mais parfois suivre les vents, dériver les courants, s’écarter un peu mais pas trop, nous permet d’arriver en un lieu par une voie détournée. Le plus court chemin n’est pas forcément celui qui nous mène là où nous voulons aller. Il n’est d’ailleurs pas certain que nous sachions où aller.

Comme certains oiseaux dessinent de grands cercles autour de l’arbre sur lequel ils finissent par se percher, de la même manière, on peut avoir besoin de faire le tour d’un endroit pour voir où est la faille, celle par laquelle se faufiler. Trouver une meilleure place sans passer par l’entrée principale mais au détour d’une association, d’une activité sportive, de l’exercice d’une passion, d’un changement de service dans l’entreprise qui nous embauche.

S’inventer une place

D’aucun créent leur propre place, leur propre chemin. Ils sont à la source d’une idée, d’un projet, et osent se différencier des voies toutes tracées ou partir à la conquête de rivages inexplorés. C’est la volonté qui œuvre. Un choix conscient qui part de désirs, et d’intentions plus ou moins animés par le « moi ». Un « moi » déterminé à prendre son destin en main, qui compte sur sa propre force et celle de son environnement pour devenir créateur.

La place qui dirait quelque chose de notre identité serait alors celle qui garderait les traces des déplacements qui ont conduit à se réinventer.

Se révéler dans l’ouvert :

On peut décider de n’être plus celui qui décide mais celui qui s’ouvre à quelque chose qui le dépasse : laisser l’inspiration qui nous mène à faire UN avec notre essence. Cela signifie, n’être plus celui qui fixe des objectifs et fait des projets comme le veut notre société mais s’abandonner à vivre et à écouter le GPS de notre coeur profond. Cela signifie aussi ne plus confier son bonheur en des choses extérieures, ni même à soi-même, mais se confier à plus que soi à l’intérieur de soi.  Comme le vitrail qui se laisse traverser par lumière, devenir co-créateur.

Ce fut le chemin du célèbre Jacques Lacan, saisit par une destinée inspirée : « On occupe la place où un acte vous pousse, comme çà, de droite à gauche, de bric ou de broc. Il s’est trouvé des circonstances qui étaient telles que ce à quoi, à vrai dire, je ne me croyais pas du tout destiné, eh bien, il a fallu que je prenne la corde en main… »[2]

En ces temps de chaos, nous pouvons nous sentir perdus voir abandonnés. Le plus difficile est d’accepter de faire corps avec nos sensations et ressentis inconfortables. Chacun de nous a à répondre à ce qui le touche en s’installant dans la certitude absolue que tout ce qui lui arrive est au service de l’évolution de la Conscience. C’est un acte de foi (qui n’est ni une croyance ni religieux)

Je pose l’intention que là où l’angoisse nous assaille, nous puissions nous confier à ce qui, en nous, au delà de nos propres forces, nous guide déjà inexorablement vers nous mèmes depuis toujours : le désir et l’expérience. Une place nous y attend.

[1] Georges PEREC, « espèces d’espace », ed Augmentées d’inédits, 2022

[2] Jacques Lacan, « place, origine et fin de mon enseignement », le Seuil, 2005

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